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FRANCOFOLIES 2002

Franco Jour 2: Le beau, les bons et les truands

En ce premier jour de folies francophones montréalaises, ce n'est pas le choix de spectacles qui manquait. Armé de mes billets et de mon badge de journaliste attitré, je me suis donc dirigé vers le Spectrum, lieu des Tendances de début de soirée, pour aller admirer les prouesses scéniques de... Paul Piché! Piché, tendance? Surtout qu'en pénétrant dans la vénérable enceinte, c'est Cochez oui, cochez non qui retentissait à pleins poumons. Dites, où est la tendance quand on se retrouve plongé d'un seul coup presque vingt ans en arrière? Mais la salle, bien pleine, n'en avait cure des tendances et acclamait dès la première note ou la première phrase chacune des chansons du beau Paul, qui ne s'est pas gêné pour enligner ses tubes les uns après les autres: J'appelle, Y'a pas grand chose dans l'ciel à soir, cette pièce qui dit que "Maurice Richard était trop bon" et que "Brigitte Bardot était trop beau" et cette autre qui parle d'un "soleil qui chauffe la couenne", ah oui, Heureux d'un printemps. Bref, Piché a fait plaisir à son public, qui n'en demandait presque pas tant. Efficace, certes, même étonnamment énergique par moments, mais terriblement convenu. En fermant les yeux, on avait presque l'impression de se retrouver au bar Les Deux Pierrots du Vieux-Port de Montréal...

Parlant des Deux Pierrots, son ex-house band, Yelo Molo, partageait la scène du Métropolis quelques temps plus tard avec la toujours aussi énergique formation Vénus 3 lors d'un combo qui s'est avéré fort réussi. En effet, au lieu de platement faire jouer les deux groupes l'un à la suite de l'autre, les organisateurs du spectacle ont eu l'excellente idée de donner libre cours aux lubies des musiciens de chaque ensemble, qui s'amusaient à passer d'une formation à l'autre, Vicky Martel chantant parfois une pièce de Yelo tandis que Stéphane Yelle dansait et chantait au son de Vénus, supposé nous livrer un nouveau cédé d'ici la fin de l'année. Ce qui a procuré aux nombreux fans présents un concert sans temps mort (sauf une courte pause en milieu de parcours) et, surtout, à haute teneur énergétique. Du même coup, les deux ensembles ont pu démontrer à nouveau toute leur expertise alors qu'ils demeuraient synchronisés musicalement, et ce, malgré le fait que le nombre de joueurs présents sur les planches s'élevait parfois à douze!

C'est quelque peu à regret que j'ai donc dû quitter le Métropolis pour retourner au Spectrum, cette fois-ci pour participer au lancement de Revolucion, le tout nouvel album du fameux groupe Overbass, qui constitue presque une institution montréalaise avec ses mélodies à la fois métal et latines absentes de toute guitare (mais bourrées de deux basses, d'où le nom!), le tout chanté en français, en anglais ou en espagnol par la revendicatrice Shantal Arroyo. Bel objet de curiosité mais qui n'est toutefois pas à la hauteur de la réputation qui le précède. La formation joue peut-être ensemble depuis longtemps, n'empêche que ses chansons sont mal livrées et peu profondes, malgré des paroles dénonciatrices. Mais peut-être était-ce la faute d'un son mal balancé ou du peu d'énergie dégagée par une foule qui n'occupait que la moitié de la salle. Peu importe, après 45 minutes et un seul invité spécial ayant fait son apparition, illustre inconnu de surcroît, surnommé Cheech (on devine aisément pourquoi...), j'en avais assez entendu. La révolution se fera encore attendre.


Franco Jour 3: Ça c'est super, s'envoyer en l'air...

Depuis leur arrivée mercredi soir, les cinq membres de la formation française Superbus s'amusent comme des petits fous chez nous. Jennifer Ayache, la chanteuse, veut absolument goûter à notre fameuse poutine tandis qu'un des musiciens du groupe veut absolument se débarrasser... de la varicelle, attrapée à son arrivée à Montréal! Notez toutefois que cela n'a nullement empêché la troupe de se donner à fond sur la grande scène (située au coin de Ste-Catherine et Jeanne-Mance) à 18h hier, enchaînant les chansons de son unique disque, Aéromusical, un produit comparable à ceux de No Doubt mais qui sonnait, disons, un peu plus "noir" sur scène. Bardé d'un look qui s'inspirait tout autant du courant new wave que gothique, Jennifer s'époumonait au micro tandis qu'autour d'elle, ses collègues masculins tiraient de leurs mélodies pop "années 80" (sur son album, Superbus reprend Into The Groove de Madonna) des salves plus mordantes, ce qui a séduit à coup sûr certains kids et laissé du même coup quelques adultes plus perplexes. N'empêche, le quintette a diverti adéquatement la foule présente, allant même jusqu'à inviter deux ados à casquette sur scène pour danser ensemble, collés, collés, pendant une chanson plus lente. Les deux gamins ont joué tant bien que mal le jeu mais le verdict de Jennifer s'est avéré nul et le tout s'est donc terminé sur une note rigolote.

Rien d'autre au menu franco pour votre humble serviteur, qui s'en allait directement par la suite au Café Campus pour célébrer le grand retour à Montréal des Breeders. On se reparle demain.


Franco Jour 4: Un party qui s'éternise et qui s'éternise...

C'était la toute dernière étape de la tournée pour appuyer l'album Manifestif, brillante galette parue en 2000 du trio rap québécois Loco Locass, au Métropolis hier soir. Un véritable party, qui s'est déroulé en compagnie de nombreux invités, qui a commencé à 21h pile et qui s'est terminé... passé minuit trente! Un concert de plus de trois heures (une pause dont on aurait bien pu se passer a tout de même été instaurée à mi-chemin du parcours festif) n'est pas étranger à la démarche du groupe, qui nous avait également offert une prestation colossale l'an dernier, à ces mêmes Francofolies, mais cette fois-ci, sa durée a paru beaucoup, beaucoup plus longue.

Était-ce la faute de tous ces invités (Pierre Falardeau, Urbain Desbois, Freeworm, les frères Diouf, Fred Fortin, Mononc' Serge, Stéphane Moraille de Bran Van 3000, Alain Lamontagne, etc.) qui n'appuyaient que très rarement les morceaux de Loco, se contentant de briser le tempo en interprétant plus souvent qu'autrement leurs propres compositions ou leurs propres discours? En vérité, seul le diablement talentueux Krazie Noize réussissait à faire lever le party, un party trop souvent ralenti par des étirements mélodiques qui se prolongeaient en jams parfois parfaitement inutiles. Ou peut-être était-ce la faute de ce contenu politique ultra-séparatiste, martelé par les propos de Falardeau et des trois lascars de Loco Locass, un contenu qui a atteint un degré de suffisance assez élevé à un certain moment. Oui, on adore quand une formation fait réfléchir par sa musique et ses propos, quand elle se donne à 120%, quand elle montre de la belle variété et qu'elle crée un fort engouement parmi ses fans, tout comme l'a fait Loco sans relâche hier soir. Par contre, on aime moins quand une même formation saute du coq à l'âne sans crier gare, et surtout, quand elle le fait sans démontrer le moindre signe d'un fil conducteur, d'une unité. Et c'est ce qui manquait hier soir au Métropolis: de l'unité. Et cela n'a rien à voir avec le jargon politique. Et tout à voir avec ma perception, moi qui avait préféré, et de loin, un Loco Locass plus concis, sans invités, l'an dernier.

Deux heures plus tôt, la jeune et jolie Gabrielle Destroismaisons, titulaire de la révélation de l'année au plus récent gala de l'ADISQ, s'escrimait au Spectrum devant une poignée de ses très jeunes fans qui s'étaient, bien évidemment, déplacés pour l'occasion en compagnie de leurs parents. Évoquant beaucoup plus une jeune Céline Dion qu'une Britney Spears, Gabrielle, bien en voix, était appuyée par un vrai groupe (lire guitariste, bassiste, batteur, claviériste, choristes et danseuses) afin d'interpréter les titres de son album aux 100 000 exemplaires vendus, Etc. Une prestation qui s'est avérée assez rigide, ne laissant aucune place à l'improvisation, voire même au naturel, malgré des reprises inattendues et correctes d'Incognito (quand on parle de Céline...) ou de I Only Want To Be With You, tube popularisé à l'époque par... Samantha Fox! En vérité, on se croyait à un spectacle donné au Salon Célébration-Jeunesse et non aux Francos. La belle Gabrielle possède un réel talent, et c'est indéniable, mais elle a rudement besoin d'un concept scénique en bonne et due forme si elle compte offrir de vrais bons concerts dans le futur. De l'émotion pure, et non seulement des sourires d'usage et des poses, serait également à conseiller. Ceci dit bien humblement...


Franco Jour 9

C'est galvanisé par les rythmes contagieux du Peuple de l'Herbe (et aussi, je dois bien l'avouer, par la présence de Marie-Chantal Toupin sur la grande scène...) que je me suis dirigé vers le Spectrum hier soir afin d'assister au plus important des concerts hip-hop de toutes les Francofolies de Montréal 2002: celui de la troupe française Saïan Supa Crew en compagnie de la formation montréalaise Muzion. Le hic, c'est que je n'ai pu admirer que le premier des deux noms mentionnés.

Car, voyez-vous, il était une heure du matin quand j'ai finalement quitté l'enceinte du Spectrum. Et toujours pas de Muzion. Un retard, paraît-il, avait empêché le groupe de se produire avant cela. J'espère pour tous les fans présents (et ils étaient très, très nombreux hier, ce qui a fait mentir les critiques qui prétendaient que la série de concerts Hip-Rap-Rock n'attirait personne, rapport aux heures tardives de spectacles), j'espère donc que Muzion a fini par se pointer. Car le SSC a réussi à faire lever plus qu'adéquatement la pâte (chapeau d'ailleurs à Sly The Mic Buddah, probablement le meilleur beatbox humain qu'il m'ait été donné de voir et d'entendre). À un point tel qu'on se demandait si Muzion pourrait faire mieux, avec une foule devenue "bouillante", pour reprendre les mots du Saïan. Mais voilà, c'est une autre troupe rap, qui m'était totalement inconnue, qui est venue prendre sa place, en attendant. Et bien franchement, je n'en avais rien à cirer. Surtout à une heure du matin. Meilleure chance la prochaine fois. Parce que de toute façon, ce n'est pas comme si Muzion n'était que de passage en ville.


Franco Jour 10: Respect pour Pag

Seul arrêt aux puits pour moi hier soir: le concert du vétéran Michel Pagliaro et des désormais respectables Respectables dans un Métropolis quelque peu clairsemé mais néanmoins fidèle. Fidèle aux tubes d'un populaire quatuor qui donne autant dans le rock 'n roll des Rolling Stones que dans le reggae de Bob Marley (est-ce seulement moi qui trouve que le chanteur Sébastien Plante bouge exactement comme Chris Robinson des Black Crowes?) et fidèle aux classiques d'un vétéran du rock québécois qui se démène toujours comme un jeune premier. Autant Pag que les Respects (prononcez Rispektes) ne cherchent pas à révolutionner le genre, mais tentent plutôt de mettre le public dans leur petite poche arrière avec des prestations énergiques. Ce qu'ils ont fait hier soir, avec plus ou moins bien d'aisance (un peu moins de reggae et un peu plus de rock aurait davantage amélioré la noble cause des Respectables). Mais comme dirait l'autre, grosso modo, c'était un bon show.


Franco Jour 11: Captage des ondes rébarbatives

Pour le concert de clôture des Francos 2002, qui se déroulait tard hier soir au Spectrum, les organisateurs n'ont pas hésité à faire appel au talentueux Stefie Shock (plus récent récipiendaire québécois du prix Félix-Leclerc, amplement mérité) pour assurer la fête. Et ils ont eu raison de ne point hésiter. Véritable bête de scène (à force de donner des spectacles, Shock s'est doté d'une belle assurance), l'auteur de l'excellent Presque Rien a fait danser tout le monde grâce à ses grooves d'enfer, ses tubes (Je combats le spleen, Rébarbatives) et ses musiciens, dont faisait partie le bassiste André Vanderbiest et l'un des frères Diouf. Stefie Shock a beau se parer d'un air plus qu'hagard, chanter d'un timbre plus qu'atone et démontrer un humour parfois douteux (cette perruque "afro" et ces coups de karaté, portés tous deux pendant Je combats le spleen!), il n'en demeure pas moins que le gars sait faire lever un party. Et de façon admirable en plus.

On ne peut cependant en dire autant de l'artiste qui assurait la première partie de M. Shock, Barsony, qui est nul autre que la demi-soeur du mythique Arthur H et qui oeuvre également comme... trapéziste à temps partiel! Vous vous rappelez de Mulot, cette parodie de chanteuse pop niaise incarnée par Chantal Francke de Rock et Belles Oreilles? Alors vous savez à quoi ressemble la musique de Barsony. Et un peu aussi à quoi ressemble Barsony tout court. Surtout quand elle a entamé une de ses chansons qui parlait d'un loup, et que son guitariste a enfilé un petit masque noir pour la cause. Ne manquait que le nez pointu et les moustaches. On ne pouvait s'empêcher de pouffer de rire. Ridicule. Et, bien sûr, à mille lieues de l'art de Arthur H.

Hier étant le dernier jour de cette quatorzième édition des Francofolies de Montréal, j'en profite donc, en guise de conclusion, pour vous livrer mes trois plus belles folies de ces Francofolies: le spectacle-combo énergique et fort réussi de Yelo Molo et Vénus 3; le rythme soutenu et hautement entraînant du Peuple de l'Herbe (une formation à surveiller, c'est le moins que l'on puisse dire); et la performance électrisante de la troupe hip-hop française Saïan Supa Crew dans un Spectrum plein à craquer (coup de chapeau ultime à son beatbox humain Sly The Mic Buddah. J'en suis encore soufflé!).

Rendez-vous l'été prochain? Ah ça oui alors!