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YANN TIERSEN
Logan Square Auditorium (Chicago), avril 2009

Texte et photo: Raphaël Gendron-Martin
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Bien des gens, moi le premier, ont découvert Yann Tiersen avec sa trame sonore du film Le fabuleux destin d'Amélie Poulain. Avec ses compositions au piano, au violon et à l'accordéon (dont la plupart avaient été pigées dans ses albums solos précédents), l'artiste s'est rapidement fait un nom sur la scène internationale. C'était en 2001.

Étonnamment, à part un concert à New York, Tiersen n'avait jamais fait de tournée aux États-Unis. Mieux vaut tard que jamais, comme on dit! Afin de me préparer à sa venue au Logan Square Auditorium, à Chicago, j'avais parcouru la quasi-totalité de la discographie du Français, dans les jours précédents. La plupart de son répertoire étant composé de morceaux instrumentaux, je me demandais de quoi aurait l'air son spectacle.

Bien que je m'attendais à un concert plutôt "symphonique", quelques indices auraient dû me mettre la puce à l'oreille que j'aurais plutôt droit à un show rock. D'abord, il n'y avait que des places debout à l'auditorium. Ensuite, lorsque j'ai mis les pieds dans la salle, le groupe en première partie, Asobi Seksu (qui signifie "sexe plaisant" en japonais) avait toutes les allures d'un groupe très rock, à des milles de la jolie naïveté d'Amélie.

Bon, avant de poursuivre plus longuement sur Yann Tiersen, parlons justement de cette première partie. La formation de Brooklyn fait du shoegazing et du noise rock. Les mélodies sont donc puissantes, grâce aux guitares lourdes et à la batterie saccadée. Combiné à ça, il y a la voix toute aigüe de la chanteuse, la Japonaise Yuki Chikudate, qui donne une ambiance particulière et franchement intrigante. Le groupe sera assurément à surveiller.

Malgré cette intéressante première partie, je ne pouvais m'empêcher de me dire que la combinaison d'Asobi Seksu avec Yann Tiersen était vraiment étrange. Je me trompais sur toute la ligne. Pour son spectacle, le Français n'avait pas de piano (seulement un clavier), non plus d'accordéon.

Malgré tout, je croyais dur comme fer que le musicien récompenserait le public en offrant des morceaux de ses trames sonores (il a aussi travaillé sur la musique du film de Goodbye Lenin!). J'aurais dû lire l'entrevue qu'il a donné dans La Presse, il y a quelques jours, alors qu'il affirmait : "Je trouve que le meilleur moyen de satisfaire les spectateurs, c'est de se faire plaisir soi-même." Et par rapport à ses musiques de film en spectacle : "Il y aura des pièces instrumentales, mais disons que les morceaux des anciens albums se sont évaporés dans cette tournée."

Placé tout près de la scène, j'ai pu jeter un coup d'oeil au setlist du spectacle (à voir à la fin de ce texte). Y figuraient plusieurs pièces anglophones ainsi que la toute dernière, simplement intitulée Amélie. "Bon, au moins, il va faire un morceau de cette trame sonore", que je me suis dit.

Yann Tiersen et ses cinq musiciens ont commencé en force avec des chansons très rock, qui viraient parfois au progressif et à l'expérimental. C'était bon, mais après quatre ou cinq pièces, je me demandais encore sérieusement si j'avais Yann Tiersen devant moi, car ça ne ressemblait aucunement à ce que je connaissais de lui. Après au moins une demi-heure de prestation, il a finalement sorti son violon. Ouf! Mais encore là, ce qui l'accompagnait était de la guitare électrique, des percussions déchaînées et des coeurs. Où était rendue mon Amélie?

Je regardais le spectacle et je ne savais franchement pas quoi penser. Car si on prenait le concert comme tel, en faisant fi qu'il était donné par Yann Tiersen, c'était une solide prestation. Le problème, justement, c'est qu'il était impossible de ne pas être déçu en voyant que Tiersen se prenait pour une rockstar.

Je vois des concerts rock à la tonne, en moyenne deux à trois par semaine, et j'étais bien content de me rendre voir un spectacle différent, principalement instrumental, par un artiste français que j'apprécie. Finalement, Tiersen semble avoir renié son passé pour emprunter le courant rock, et il avait l'air sincèrement plus Américain que Français sur scène. Tant qu'à effectuer un changement musical aussi drastique (et ne jouer que des nouvelles pièces ou presque), il aurait dû se former un nouveau groupe et l'appeler autrement que Yann Tiersen. Car qu'on le veuille ou non, il sera toujours associé aux trames sonores d'Amélie et de Lenin.

Et la dernière pièce du concert, justement celle d'Amélie, c'était comment? Une autre exploration musicale où il était bien difficile de reconnaître la mélodie si caractéristique du film. Décidément, Tiersen n'aura pas du tout pensé à son public.

Liste des pièces jouées par Yann Tiersen, dans l'ordre:
Dark Stuff; La terrasse; Drilly/La perceuse; Amy; Secret Place; Le quartier; Chapter 19; Wire/Sur le fil; Til the End; Western; Kala; La rade; Palestine; The Train; Ashes
Rappel: Fuck Me; Esther; Amélie