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PITCHFORK MUSIC FESTIVAL 09
Union Park (Chicago), juillet 2009

Texte et photo: Raphaël Gendron-Martin
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Depuis 2006, le Pitchfork Music Festival s'avère une excellente alternative aux mélomanes de Chicago qui ne souhaitent pas se retrouver dans l'exubérance étourdissante du festival Lollapalooza (avec ses 140 groupes répartis sur 7 scènes, l'événement a de quoi essouffler). Localisé au Union Park, à deux pas du United Center (le domicile des Blackhawks et des Bulls), P4K, comme l'appellent les habitués, est une sorte de paradis pour hipsters.

Organisé par le réputé (et intraitable) site web Pitchfork, l'événement regroupe habituellement des groupes indie rock qui se tiennent loin des artères commerciales. Par les années passées, Spoon, Vampire Weekend, Of Montreal, Iron & Wine, Girl Talk et Animal Collective s'y sont notamment produits. Fait cocasse cette année : pas moins de quatre groupes qui avaient joué au festival l'an dernier se retrouvent cet été sur l'affiche de Lollapalooza.

Pour la première soirée de l'édition 2009, quatre formations estimées étaient au programme : Built To Spill, Yo La Tengo, The Jesus Lizard et le favori local, Tortoise. Je n'étais pas sur place mais il paraît que The Jesus Lizard a offert une performance époustouflante, sans doute l'une des meilleures du weekend.

Pour se rendre au Union Park à partir du centre-ville, il faut prendre la ligne verte du métro. Dans les wagons, il était assez facile de reconnaître ceux qui se rendaient au festival. Il faut dire qu'il n'y a vraiment rien d'autre à faire dans ce quartier de l'ouest de la ville. Sur place, vers 14 h samedi, on pouvait déjà entendre des groupes qui étaient sur la scène depuis 13 h. Parmi eux, les Montréalais de Plants and Animals semblaient avoir rallié une quantité appréciable de spectateurs. En plus de cette prestation de jour, le trio retournait sur les planches du Schubas le soir même pour un spectacle de minuit. Dans la section V.I.P. une heure plus tard, j'ai croisé les musiciens et je me suis entretenu un peu avec le francophone du groupe, le bassiste Nicolas Basque. Il m'a souligné que le groupe travaillait présentement sur son deuxième album et qu'il irait l'enregistrer en France, dans un studio que possède le copain de Marie-Jo Thério. "C'est une grande maison et on peut enregistrer dans toutes les pièces!" L'album devrait sortir en 2010.

Bon, retour aux spectacles. De par mon travail pour MontrealConcerts.com, j'ai pu obtenir une passe de photographe, ce qui me permettait d'aller à l'avant de la scène pour chaque spectacle. Le premier groupe que je décide d'aller voir s'appelle Fucked Up. Rapidement, je me rends compte que la formation torontoise porte très bien son nom. Le corpulent chanteur ne perd pas de temps pour enlever son t-shirt et il se fait aller la bédaine, sans gêne. Au niveau musical, j'ai déjà entendu mieux et je dois dire que je n'apprécie pas trop qu'un chanteur passe tout son temps à crier. Mais au niveau divertissement, ça commençait merveilleusement bien le festival.

Contrairement à Lollapalooza, Pitchfork ne comprend que trois scènes, dont deux presque côte-à-côte où alternent les groupes. La troisième scène est plus reculée, derrière des arbres. L'emplacement peut davantage faire penser à celui du festival Osheaga, où marcher d'une scène à l'autre ne prend que quelques minutes. À Lollapalooza, il ne faut pas moins de 20 minutes pour se rendre d'une grosse scène à l'autre!

Sur la troisième scène, donc, j'y ai vu The Antlers, un groupe de Brooklyn qui m'a fait penser à un croisement entre Coldplay et Karkwa. Rien de bien original. Un peu plus tard, c'était au tour de Ponytail de fouler les mêmes planches. Mené par la chanteuse à format réduit Molly Siegel (qui a l'air d'avoir 15 ans!), le groupe ne manque pas d'énergie. Malheureusement, on lui reprochera la faible qualité de ses paroles.

Retour sur la scène principale pour y voir un autre ensemble de Brooklyn, Yeasayer. Le quatuor, qui n'a qu'un album à son actif, l'excellent All Hour Cymbals, est très efficace sur scène et on présume qu'il ne sera pas qu'un feu de paille. Pendant le spectacle, une intense averse de pluie arrose les spectateurs pendant cinq minutes. Heureusement, ce sera les seules véritables précipitations de toute la fin de semaine.

En fin d'après-midi, je suis allé voir Wavves. Le groupe de San Diego avait fait parler de lui dernièrement, car le chanteur Nathan Williams a joliment déliré lors d'un festival à Barcelone, gracieuseté d'un cocktail d'ecstasy et de valium. Tout le reste de la tournée européenne a été annulé et le groupe n'a gardé que les spectacles à Chicago et New York. Pour ajouter à son malheur, Williams s'est récemment fracturé le bras en faisant de la planche à roulettes. Mais malgré tout, il était sur scène pour livrer son concert. Et c'était comment? Bof. Wavves fait du lo-fi planant qui peut parfois être intéressant. Mais la réverbération dans le micro de Williams durant chaque chanson finissait par agacer royalement. Pour faire un mauvais jeu de mots, le groupe n'a pas fait de vagues cette fois-ci.

Parce que je ne pouvais être partout en même temps, je me suis résigné à manquer la prestation du duo Matt And Kim ainsi que celle de The Black Lips. Pour me consoler, la journée se terminait avec le spectacle de The National. L'an dernier, j'avais vu le groupe à Lollapalooza dans le cadre d'un excellent concert d'une heure à peine. Cette fois-ci, en tant que tête d'affiche, le groupe de Brooklyn (eh oui, encore!) a pu se produire durant 90 minutes. Je dois dire que sur disque, cette formation me donne des frissons. Mais en spectacle, j'ai un peu de misère à ressentir la même intensité. Il me faudrait sûrement voir The National dans un spectacle intérieur, qui sait? Pour quiconque n'est pas familier avec ce groupe, le chanteur Matt Berninger peut sembler monotone avec sa voix profonde. Vêtu d'un ensemble veston-cravate, il incarne l'élégance même et il se laisse parfois aller en s'assoyant sur un ballon gonflable, ou bien en se rendant dans la foule lors de l'intense interprétation de Mr. November. La formation en a aussi profité pour offrir quelques nouvelles pièces qui figureront sur le prochain album (dont la date de sortie n'est toujours pas connue).

Liste des pièces jouées par The National, dans l'ordre:
Runaway; Start a War; Mistaken for Strangers; Brainy; Secret Meeting; Baby We'll Be Fine; Slow Show; Vanderlylle Cry Baby; Squalor Victoria; Abel; All the Wine; Apartment Story; Ada; Green Gloves; Fake Empire; Blood Buzz; Mr. November
Rappel: About Today


Le dimanche, 19 juillet, je suis arrivé aux environs de 13 h 30. Sur la scène principale trônait The Mae Shi, une formation de Los Angeles qui a fait parler d'elle lorsque trois de ses membres ont décidé de quitter le groupe pour former Signals. Le spectacle au Pitchfork Festival s'avérait donc le dernier concert officiel de The Mae Shi. Avec eux sur scène se retrouvaient également Kid Static et Yea Big, deux artistes de Chicago reconnus pour leurs performances énergiques. (L'un d'eux est habillé en athlète et il saute sans arrêt.)

Immédiatement après, sur la scène adjacente, c'était au tour de Frightened Rabbit, un groupe écossais, de jouer devant ses nombreux fans. FR doit énormément aimer Chicago, car je crois qu'il s'est produit à environ cinq reprises dans la Ville des vents au cours des douze derniers mois! Et les Écossais n'ont pas déçu, livrant avec aplomb les compositions de leur opus The Midnight Organ Fight.

The Killer Whales jouait sur la petite scène par la suite. Pas grand-chose à dire de ce spectacle, si ce n'est que les quatre membres ne semblent pas aimer porter de gilet! Un peu plus tard, Japandroids prenait d'assaut les mêmes planches. Le duo de Vancouver a offert un rock décoiffant, c'est le cas de le dire : muni d'un ventilateur à ses côtés, le chanteur Brian King avait les cheveux en l'air tout au long de sa prestation!

À 16 h 15 avait lieu le spectacle des Thermals. Fort de son nouvel album, Now We Can See, le groupe en a surpris plusieurs en offrant quatre reprises, dont la toute première chanson du spectacle, 100% de Sonic Youth. Un peu plus tard, en fin de parcours, le chanteur Hutch Harris lançait les paroles : "Do you have the time / To listen to me whine?" et s'ensuivit une excellente interprétation de Basket Case de Green Day!

Trop concentré par ma prise de photos, je n'ai pas trop porté attention à la performance de The Walkmen. Mais un peu plus tard, j'ai été un peu déçu par la prestation de M83. La formation française menée par Anthony Gonzalez produit de la musique planante qui s'écoute généralement mieux à l'intérieur, et en soirée. Donc, lors d'un festival en plein jour, le contexte s'y prête moins. Et qui plus est, Gonzalez et sa jolie choriste se tiennent tous les deux derrière un ordinateur portable, face-à-face, au lieu de faire face à la foule. Pour favoriser l'interaction avec les spectateurs, j'ai déjà vu mieux.

Petit tour sur la scène secondaire pour y voir à l'oeuvre les Vivian Girls. Les trois filles viennent de... je vous le donne en mille : Brooklyn! Non mais, que se passe-t-il avec cet endroit? Leur rock vitaminé a résulté en un bon spectacle, qui ne passera toutefois pas à l'histoire.

Vers 19 h 30, j'ai commencé à m'approcher de la scène où allaient se produire les Flaming Lips environ une heure plus tard. Malheureusement, j'ai manqué la prestation de Grizzly Bear, que j'ai tout de même pu entendre au loin. Le groupe de Brooklyn (non, je n'invente rien!) semble avoir offert une excellente performance, quelques mois après avoir lancé Veckatimest. Pendant le spectacle de Grizzly Bear, les techniciens s'affairaient à préparer la scène pour les Lips. Et le chanteur Wayne Coyne a fait quelques apparitions, faisant bondir la foule.

Aux environs de 20 h 40, les Flaming Lips ont amorcé leur spectacle. La foule était très dense, tellement qu'on se demandait s'il y avait des spectateurs pour voir The Very Best, le pauvre groupe qui se produisait en même temps sur la scène secondaire. Pris contre la clôture en compagnie d'une centaine d'autres photographes, je n'ai pas vu grand-chose de l'introduction, alors que Coyne a marché sur la foule à l'intérieur de sa fameuse grosse balloune (il avait effectué le même manège à Osheaga en 2006). Par la suite, les spectateurs ont eu droit à des canons à confettis, des ballons, un écran géant à projections psychédéliques et des personnes costumées en grenouilles et en loups! Au niveau des spectacles colorés, on peut avancer que les Lips forment en quelque sorte le Pink Floyd du 21e siècle. Leurs concerts ne sont jamais ennuyants et chaque chanson renferme un petit quelque chose de spécial. Cela dit, comme je l'ai mentionné un peu plus haut, la prestation ressemblait grandement à celle offerte à Osheaga trois ans plus tôt. Ce n'est pas bien grave, car des concerts comme ça, j'en prendrais à toutes les semaines.

Par ailleurs, le spectacle de Flaming Lips au Pitchfork Music Festival jouissait du concept "Write the Night", les spectateurs ayant eu le loisir de choisir au préalable les chansons qu'ils désiraient entendre live. Même si Coyne et ses acolytes n'ont pas suivi la liste de demandes spéciales à la lettre, ils ont tout de même offert quelques rares morceaux, dont Enthusiasm for Life Defeats Internal Existential Fear, une chanson qui figure sur le documentaire Fearless Freaks, et c'était la toute première fois que le groupe la jouait en concert. Bad Days, de Clouds Taste Metallic, est aussi une autre pièce livrée qui a rarement été jouée. Évidemment, les favorites de la foule (Race For the Prize, Fight Test, Yoshimi Battles the Pink Robots Pt. 1 et Do You Realize??) ont toutes été interprétées. Au bout d'une heure et demie, alors qu'on sentait que la formation pouvait nous en donner encore beaucoup plus, les Lips ont dû tirer leur révérence. "J'aimerais sincèrement jouer pendant trois heures pour vous, mais nous devons arrêter en raison d'un règlement de la ville", a mentionné Coyne à la foule, visiblement déçue. Mais 90 minutes délirantes des Flaming Lips, c'est toujours mieux que rien!

Liste des pièces jouées par The Flaming Lips, dans l'ordre:
Race For The Prize; Silver Trembling Hands; Bad Days; Enthusiasm for Life Defeats Internal Existential Fear; The Yeah Yeah Yeah Song; Fight Test; Convinced of the Hex; Mountain Side; Yoshimi Battles the Pink Robots Pt. 1; She Don't Use Jelly; Do You Realize??

Comme vous pouvez vous en douter, ces deux journées ont été particulièrement épuisantes, même si je n'ai pas vu le temps passer. L'aspect plus "intime" et relaxe de ce festival (si on le compare à Lollapalooza) fait en sorte qu'on a l'impression de manquer beaucoup moins de groupes et de profiter davantage de la journée. Les "déchirements" quant à la programmation sont nettement moins nombreux, et on quitte l'événement avec beaucoup plus de satisfaction que de frustration. Alors que Lollapalooza m'avait presque fait détester les festivals extérieurs, P4K vient tout à coup de me réconcilier de jolie façon avec ce type d'événement.